Documentation Scientifique

(PAGE EN COURS)
HISTORIQUE DES FOUILLES MENÉES PAR 2ASM DEPUIS 2004 
SOUS LA DIRECTION SCIENTIFIQUE DE LUC LONG (DRASSM)


Textes de Luc Long, d'après les bilans scientifiques du DRASSM 2004-2005




LES TRAVAUX DE 2ASM ET DU DRASSM DANS L'ANSE DES CATALANS À MARSEILLE, 2004





©2ASM, C. Chary
La découverte par l'un de nous, Pierre Giustiniani, en 2004, de deux éléments de statues en marbre, devant l’anse des Catalans, à 300 m face à l’une des plus célèbres plages de Marseille, a déclenché dès 2004 une opération de sondage conduite par le Drassm sous la direction de Luc Long. L’opération, menée avec le support de L’Archéonaute et les moyens de l’association 2ASM, a reçu l’aide financière de la ville de Marseille par le biais de l’Atelier du Patrimoine (Daniel Drocourt). Elle regroupait une vingtaine de plongeurs et techniciens, tandis qu’une douzaine de collaborateurs scientifiques étaient associés à la publication des résultats finaux. L’étude raisonnée du gisement laisse penser aujourd'hui que tous les objets mis au jour, fragments de statues, pièces d'architecture, céramiques et amphores, ont d’abord été dragués dans le Lacydon puis rejetés en mer, à la sortie immédiate du port, dans un secteur de clapage utilisé dès l’Antiquité.

©2ASM, C. Chary
Explorée par 8 à 15 m de fond, la zone des Catalans a livré de nombreux blocs architectoniques éparpillés qui appartiennent à un ou plusieurs édifices. Une trentaine de ces éléments ont été remontés avec la grue de L’Archéonaute, après avoir été positionnés par photogrammétrie. On compte près d’une dizaine de fûts et de bases de colonnes, des chapiteaux, des architraves, des dalles et des blocs divers, étudiés par E. Sagetat (CNRS-Iraa) et A. Roth-Congès (CNRS-CCJ). Exceptés quelques éléments qui pourraient se rapporter à la période romaine, leurs caractéristiques générales les rattachent à un même programme de construction utilisant l’ordre toscan, comme c’est le cas à Glanum à l’époque hellénistique. L’étude des modules, en cours, pourra peut-être apporter des précisions chronologiques. Toutefois, Marseille, contrairement à la majorité des sites connus en Gaule du Sud, a pu se doter plus précocement encore d’une trame urbaine et d’une parure monumentale.
Ces éléments d'architecture dispersés ne peuvent s’apparenter à un chargement d’épave, ils sont trop lourds pour constituer un lest de navire et peu pratiques pour servir de mouillage, ils sont enfin trop éloignés du bord pour provenir d’un site côtier. L’hypothèse, par conséquent, qui paraît le mieux convenir à ces découvertes nous renvoie au dragage du port de Marseille depuis l’époque romaine jusqu’aux périodes modernes. Les découvertes sous-marines faites aux Catalans s’articulent assez bien avec les fouilles des places Jules-Vernes et Villeneuve-Bargemon où les archéologues terrestres (Patrice Pomey et Antoinette Hesnard, CCJ-CNRS) ont mesuré l’importance des dragages d’époque romaine dans le Lacydon, mettant au jour dans le même temps les vestiges des grandes dragues abandonnées au Ier et au IIe s. ap. J.-C. Il s’agit peut-être de dragues à roue, équipées sans doute d’une cuillère, ou plus simplement de « maries-salopes » à clapet utilisées pour le transport et le vidage des boues. Ce creusement a été effectué sur près de 2 m de profondeur dans le sédiment, jusqu’au lit d’huîtres de l’âge du Bronze, éliminant ainsi une bonne partie des dépôts du port grec. Ce curage intensif d'époque antique a touché l’ensemble du bassin du Lacydon, sur la rive septentrionale, depuis le fond du port (Jardin des vestiges) jusqu’au goulet d’entrée (Fort Saint-Jean). Tous les sédiments et les débris provenant du curage du port ont ainsi été évacués à l’extérieur par les Romains. La zone des Catalans, immédiatement à la sortie du port, constituait une zone de dépôt très proche, déjà profonde et très abritée par vent d’est. Ce secteur est bien connu ensuite des archives médiévales et modernes sous l’appellation de « quartier des infirmeries » ou « quartier Saint-Lambert ». C’est là que fut construit près d'une source le premier lazaret de Marseille, en 1476. Cette zone constituera encore longtemps le réceptacle privilégié des rejets de dragages opérés de manière régulière à partir du XVIe siècle. Une partie des dragages plus anciens a pu être déposée comme on le pense dans l’anse de l’Ourse, aujourd’hui sous les bassins de la Joliette. Pour cette raison, le riche mobilier en terre cuite recensé en 2004 autour des blocs et des statues appartient à trois périodes distinctes : 1) période hellénistique et romaine, 2) Bas Empire et Antiquité tardive, 3) époques médiévale (rare) et moderne (XVIe–XVIIIe siècles). Tout ce matériel, très fracturé par la violence des machines à draguer, comprend plusieurs milliers d’objets et fragments qui sont en cours d’inventaire et d’étude.

Période antique
Sur l’ensemble du matériel préromain (amphores, céramiques, monnaies), étudié en collaboration avec L.-F. Gantès (ville de Marseille, Atelier du Patrimoine), la période archaïque se limite pour l’instant à quelques fragments de kilikes grecques, une coupelle à vernis noir et des débris d’amphores, notamment quelques fonds étrusques de forme Py 4. On recense en particulier un skyphos de la deuxième moitié du Ve siècle que Lucien-François Gantès rattache au « groupe de la chouette ». Mieux représentée, l’époque hellénistique est illustrée par de très nombreux fragments d’amphores et de céramiques. On note des amphores massaliètes, rhodiennes et romaines, notamment gréco-italiques et Dressel 1A, des lampes et de nombreuses monnaies. On recense, en outre, des plats et des coupes en céramique attique, en pâte claire massaliète et en campanienne A. Si l’époque impériale est relativement pauvre (quelques amphores Dressel 2/4, gauloises G3 et G4, ibériques diverses, notamment des Dressel 20), le Bas Empire et l’Antiquité tardive regroupent pour l’instant la majorité du mobilier antique. Son étude, menée par M. Bonifay (CNRS-CCJ) et J-C. Tréglia (CNRS-LAMM), porte sur la vaisselle et les amphores africaines ainsi que sur une très grande quantité d’amphores et de céramiques orientales. Nous avions déjà signalé, en 2001, l’abondance dans ce secteur des céramiques et des amphores tardives (BS 2001 : 61). Tout ce mobilier antique est associé à une petite série d’ancres lithiques antiques, en pierre locale, étudiées par C. Lima, qui attestent que l’anse des Catalans était également une aire de pêche et de mouillage durant l’Antiquité. 

Périodes médiévale et moderne
La période médiévale, très faiblement représentée au niveau de la vaisselle, s’illustre par une série intéressante de boulets en pierre. Ces munitions lithiques se rapportent aux toutes premières bouches à feu de l’artillerie médiévale. Certaines d’entre elles illustrent l’épisode des sièges de Marseille en 1423 et 1431 par les Aragonais et la fabrication par la ville peu de temps après d’une grosse bombarde. En effet, la pièce la plus extraordinaire parmi les objets recueillis sur le site, est un énorme boulet de 45 cm de diamètre et de 112 kg (fig. 58), qui fut vraisemblablement propulsé par une grande « couleuvrine » ou un « basilic » marseillais, connu des sources historiques. De fait, à l’issue du deuxième siège de la ville et de son bombardement par les troupes d’Alphonse V d’Aragon, les Marseillais se dotèrent d’une pièce d’artillerie monumentale qui pouvait lancer des pierres de deux quintaux et vingt-cinq livres (soit 90 à 100 kg selon la nature de la pierre). Ces indications coïncident assez bien avec le poids du boulet mis au jour aux Catalans. Pour prévenir une nouvelle attaque, les tirs d’essai effectués par la ville depuis l’île d’Endoume, en 1432, avaient logiquement pour cible la zone où la flotte ennemie était déjà venue mouiller à deux reprises.
Enfin, c’est la vaisselle vernissée moderne, étudiée par V. Abel (Inrap) qui est de loin la plus fréquente sur l’ensemble des zones de fouille. Elle provient sans doute du dragage du port et des navires au mouillage aux Catalans, face aux Infirmeries (XVIe siècle et 1ère moitié du XVIIe siècle). La zone de quarantaine sera ensuite déplacée aux îles du Frioul, à partir de 1627, pour des raisons de sécurité sanitaire.
D’une façon générale, outre quelques fragments de pegau médiéval, le mobilier de l’anse des Catalans se place, selon V. Abel, dans une période très moyennement documentée par les fouilles terrestres. Selon ses premières constations, une grande part de l’ensemble pourrait dater du troisième quart du XVIIe siècle, vers 1650-1660 environ. Seuls quelques fragments sont notoirement plus récents et datent du XIXe siècle. La céramique du milieu du XVIIe siècle témoigne à Marseille d’une implantation déjà forte de l’artisanat de la vallée de l’Huveaune qui, selon les archives, apparaît vers 1630. Visiblement, le reste de l’approvisionnement est essentiellement constitué par les céramiques culinaires et par des céramiques plus luxueuses. On note la part des productions vernissée italiennes de Toscane et de Ligurie, des formes provençales traditionnelles où les marmites de Vallauris sont les plus abondantes. Aux assiettes graffita a stecca, survivance du XVIe siècle, s’associent les polychromes de Pise, les faïences de Montelupo, plus rarement celles de Valence, les écuelles au monogramme chrétien IHS, les services veinés bruns d’Albisola, ceux de Gênes et de Savone (fig. 59). Les produits provençaux se déclinent à travers les classiques et monotones terres vernissées de Fréjus et de Basse Provence, avec des assiettes à marli, des tasses à anses fleurdelisées, des pichets à bec pincé, des marmites, des tians, des jattes et des salières. Un autre intérêt, et non des moindres, est que ces objets de vaisselle sont plus complets que ceux récoltés en fouille terrestre. On signale enfin une très grande quantité d’ossements d’animaux qui présentent tous des traces évidentes de découpes bouchères.

Les Catalans, la statuaire
Statue d’Apollon
Le premier élément sculpté correspond à une petite statue acéphale en marbre représentant Apollon, l’une des divinités tutélaires de la cité phocéenne. Il gisait par 8 m de fond dans la zone 4, à mi-distance entre l’extrémité sud de la digue des Catalans et l’hôtel Péron. Ce vaste secteur, proche de la grande digue d’époque contemporaine, a livré l’essentiel des blocs architecturaux. Cette sculpture en marbre blanc, d’un modelé délicat, constitue une découverte exceptionnelle. Il s’agit d’un jeune homme entièrement nu, conservé sur 46 cm, qui devait mesurer à l’origine 85 à 90 cm de haut ; Il manque la tête, le cou, le bras gauche, presque tout le bras droit, les jambes sous les genoux. En outre, seul le torse qui ne présente que des altérations mineures, a été relativement épargné par l’action de la mer et des lithophages. Le personnage est en appui sur la jambe gauche, la droite est fléchie et portée légèrement en avant, provoquant un déhanchement indiqué aussi, dans la vue de face, par l’oblique de la toison pubienne et, à l’arrière, l’affaissement de la fesse droite. Le corps est athlétique, mais la musculature est juvénile. Malgré la disparition de la tête, une indication extrêmement précieuse est donnée par l’extrémité des mèches de cheveux tombant devant, sur l’épaule droite, et en bas de la nuque. Ajoutée à la pondération du corps et à la position des bras, cette disposition des cheveux ne laisse aucun doute sur l’identification du personnage : il s’agit pour Antoine Hermary (CCJ-CNRS) d’une représentation d’Apollon, du type de « l’Apollon du Tibre », connu par deux répliques de grandes dimensions, dont la plus remarquable, haute de 2,04 m, est conservée à Cherchel. En attendant une étude plus détaillée, la petite statue de Marseille s’inscrit dans une très courte liste des copies les plus fidèles, avec la statue de Rome qui a donné son nom à la série, celle de Cherchel et deux têtes conservées à Rome, dont l’une (la « tête Patrizi »), présente l’intérêt d’être une réplique à la même échelle que le marbre marseillais, soit 40% par rapport aux trois autres œuvres. On a longtemps considéré que cet « Apollon du Tibre » copiait directement un grand bronze grec du milieu du Ve s. av. J.-C., c’est à dire à l’époque de la jeunesse de Phidias, mais C. Landwehr considère, après d’autres, que le modèle était plutôt une sculpture classicisante créée au début de l’époque impériale, probablement sous Tibère ou Claude. Si c’est le cas, la petite statue des Catalans pourrait être de peu postérieure à l’original, le rapprochement avec la « tête Patrizi » suggérant une date vers le milieu du Ier s. ap. J.-C. Ce point reste cependant à examiner plus en détail.

Pied de statue féminine
Le second fragment de marbre, un demi pied chaussé d’une sandale finement ciselée, appartient à un personnage grandeur nature si l’on en juge par les dimensions conservées (longueur 11,5 cm, largeur 9,2 cm, hauteur 7 cm) ; on peut restituer une statue de 1,50 m de haut au minimum. Découvert à proximité du buste d’Apollon ce fragment de pied gauche, cassé au niveau du coup de pied, vers le milieu des métatarsiens, présente des orteils allongés et délicats, aux ongles parfaitement dessinés ; le second orteil est nettement plus long que le pouce. Si l’appartenance de ce fragment à une statue féminine est très probable, rien ne permet de nommer le personnage. Toutefois, le rapprochement avec l’Apollon précédent – et celui du petit bronze ci-dessous – pourrait faire penser à une Artémis, dont l’Ephésion, cité par Strabon, s’élevait sans doute près du sanctuaire d’Apollon sur le promontoire de Marseille.

Statuette d'Apollon en bronze
Un troisième objet fut récupéré dans le même secteur, à la surface du sable (zone 17), il s'agit d'une petite statuette en bronze, entièrement corrodée. Prise d’abord pour un Eros ou un Mercure, cette figurine d’époque impériale représente plus vraisemblablement Apollon (haut. 12 cm). De qualité assez médiocre, elle appartient à une série d’exemplaires assez proches, attestés notamment à Augst, Besançon, Périgueux et Neuchâtel.




LES FOUILLES DE 2ASM ET DU DRASSM DANS LE RHÔNE À ARLES, EN 2004


Les objectifs de la fouille menée en 2004 part 2ASM portaient principalement sur les sites archéologiques de la rive droite du fleuve, côté Trinquetaille, individualisés par Luc Long depuis 15 ans dans le cadre des missions de carte des épaves du DRASSM. Il s'agissait en particulier de poursuivre l’étude du gisement A, vaste dépotoir portuaire du Haut Empire, coupé en 1969 par la mise en place des piles du pont autoroutier, afin de fixer ses limites à la fois chronologiques et géographiques.
Au moment d’entamer les prospections sur le terrain, en 2004, les grandes crues de décembre 2003, avaient complètement métamorphosé le lit du fleuve. Si certaines parties étaient surcreusées, il subsistait le plus souvent un dépôt limoneux qui recouvrait tous nos anciens repères.

Découverte du chaland gallo-romain Arles Rhône 3
C'est dans ces conditions que les plongées d’exploration systématique, en amont du grand dépotoir portuaire romain dénommé gisement A, ont permis de nouvelles découvertes fluviales. La première, repérée par l’un de nous : Pierre Giustiniani (2asm), à 80 m en amont du carroyage installé près du pont autoroutier, correspond à une épave antique très ensablée, sise à une dizaine de mètres du quai. Une partie des structures de bois étaient visibles sous la proue du Manet, une péniche en réparation. A première vue, les éléments sculptés et taillés du flanc du navire nous ont fait penser à une très grosse pirogue. Mais le dégagement à la suceuse de l’embarcation, visiblement chargée de pierres blanches de petit module irrégulier, a donné accès à une partie de ses structures internes. Il s’agissait en réalité d’un chaland à fond plat, dont le flanc et le bouchain sont bien de type monoxyle assemblé. Nous avons pu prélever dès 2004 un certain nombre d’échantillons de bois dont la datation obtenue avec le concours du Centre de datation par radiocarbone de l’université Claude Bérard, à Lyon (Cnrs, Lyon 1), situe l’embarcation vers le milieu du Ier ap. J.-C. Le mobilier archéologique recueilli au cours du dévasage, et plus largement celui du gisement A qui englobe l’épave, désignent effectivement eux aussi le Ier siècle de notre ère.
L'épave Arles-Rhône 3 a été ainsi fouillée de 2004 à 2006 par 2ASM et le DRASSM sous la direction de Luc Long (DRASSM), avant que ce dernier ne propose la direction de fouille de cette épave à l'une de nos étudiantes et coéquipières : Sabrina Marlier. La passation de responsabilité s'est donc faite en 2007, année où Sabrina Marlier et sa petite équipe d'étudiants formés sur nos chantiers, a vu ses besoins entièrement pris en charge par 2ASM, tant du point de vue logistique que financier.
La découverte en 2007, lors d’une fouille de sauvetage au sud d’Arles, au pied du nouvel appontement métallique du quai de la Gabelle, d'une nouvelle épave monoxyle assemblée, apparemment datée cette fois du Ier siècle avant J.-C., l'épave Arles-Rhône 5, a eu un grand retentissement. C’est en effet, lors de la fouille de sauvetage, grâce aux très bonne relations entretenues par 2ASM et Luc Long (DRASSM) avec la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) représentée par son président : Michel Margne, qu’il fut permis d’envisager un projet de relevage. L’épave Arles-Rhône 5, en effet, évitée de justesse lors de l’enfoncement des ducs d’Albe, risquait ensuite d’être détériorée par les remous générés par les péniches sur cet appontement. Mais le projet nécessitait également d’agrandir le Musée d’Arles, il fut repoussé à plus tard, le temps que le Conseil Général des Bouches du Rhône (CG13) recherche d’autres partenaires. Entretemps, l’appontement du quai de la Gabelle a été interdit aux navires.


Un énigmatique navire chargé de sarcophages : l’épave Arles Rhône 4

Toujours en 2004, nos recherches dans vaste secteur du pont autoroutier, en rive droite, a permis à nos équipiers, Hervé Moulet et Patrice Barbier, de découvrir au pied des piles du pont un ensemble de deux cuves de sarcophages et d’un couvercle, en calcaire, en partie engagés sous le sédiment, dans la pente. Des éléments de bois associés à ces sarcophages ont été datés par radiocarbone entre 1490 et 1655 de notre ère. Il doit s’agir d’éléments arrachés à une épave plus récente que le courant, peut-être lors d’une crue, a bloqué contre les sarcophages. L’ensemble des deux sarcophages et le couvercle, qui pèsent au total plus de dix tonnes, correspond vraisemblablement à la cargaison d’un navire naufragé durant le IVe s. ap. J.-C. L’une des deux cuves et son couvercle ont été remontés à la surface et ont été exposés au musée d’Arles dans le cadre de l’exposition « César, le Rhône pour Mémoire ». Selon Jean-Claude Bessac (CNRS, Lattes), ils proviennent des carrières de Beaucaire et témoignent d’un commerce fluvial micro-régional entre la zone d’extraction et les nécropoles arlésiennes. Livrés dans un état intermédiaire, certaines zones de ces sarcophages ont été réservées afin d’être gravées au nom du défunt


Des éléments de navires antiques très bien conservés

En 2004, en zones 2 et 3, lors des fouilles de Luc Long (DRASSM) supportées par 2ASM, il fut remonté de nombreux objets relatifs à l’équipement des navires. Avec une pièce d’assemblage en plomb qui équipait une ancre antique, les autres, principalement constitués de bois, ont été acheminés au laboratoire Arc-Nucléart à Grenoble, pour traitement et restauration. Ils ont été présentés ensuite, à leur tour, dans l’exposition « César, le Rhône pour Mémoire », au MDAA. Il s’agit d’abord d’une ancre romaine en chêne, en parfait état de conservation, haute de 2,45 m. Cette ancre complète a conservé sa pièce d’assemblage en plomb ainsi qu’une bague à la place du jas en plomb. Ce fut ensuite une verge d’ancre de très grande taille, dépourvue de ses pattes et du jas, qui a été récupérée en zone 2. Compte tenu de sa dimension, près de 5 m de haut, démesurée par rapport à la taille des navires du Rhône, il doit s’agir d’une ancre portuaire destinée à amarrer un ponton ou utilisée pour ancrer le pont de bateaux dans la partie centrale de l’ouvrage, au plus fort du courant. Enfin, un gouvernail de 7,5 m de long a été dégagé à proximité, profondément enchassé dans les couches du Haut Empire, en zone 2. Les dates calibrées, obtenues au 14C par le Centre de laboratoire de l’université Claude Bérard, à Lyon, datent l’objet entre 97 av. J.-C. et 67 de notre ère. Il se rattache par sa forme aux pelles de gouverne des navires de type fluvial.





LES FOUILLES DE 2ASM ET DU DRASSM DANS LE RHÔNE À ARLES, EN 2005

La campagne de carte archéologique des sites du Rhône, en 2005, s’est déroulée à Arles, en rive droite, en septembre 2005, avec L’Archéonaute, le navire support du DRASSM. Elle engageait l’aide financière du DRASSM (Ministère de la Culture), du MDAA (CG13), de l’association 2Asm et le soutien d’une quinzaine de plongeurs dont sept étaient sous contrat. A l’équipe habituelle s’étaient joints quelques inventeurs et les pompiers plongeurs du SDIS 13, sous la houlette d’Hervé Moulet et Patrice Barbier.
Il s’agissait de poursuivre l’exploration du grand dépotoir portuaire du Haut Empire baptisé gisement A au niveau du pont autoroutier, celle du gisement B plus en aval dans le virage, et de poursuivre l’étude de l’épave Arles-Rhône 3 découverte en 2004.

Les dépotoirs portuaires du Rhône à Arles

Les fouilles du Rhône ont démontré depuis longtemps que le mobilier amphorique et céramique le plus dense au niveau d’Arelate se concentrait dans les riches dépotoirs de la rive droite, notamment les gisements A et B. C’est là, selon Luc Long (DRASSM), sur une berge longtemps déshéritée, face à la ville emmurée, que s’est développé à l’époque augustéenne, avec un pic très marqué sous le Haut Empire, le port de déchargement et ses entrepôts. Héritière de Marseille dont le port exigu et cerné de montagnes périclite sous l’Empire, Arles, même si elle ne communique pas directement avec la mer, siège au carrefour des échanges entre la Méditerranée et l’Europe. Si la jeune cité s’est adossée au fleuve qu’elle utilise comme rempart naturel, c’est sur la rive opposée qu’elle a désormais toute latitude, durant la paix romaine, pour développer des magasins et dérouler son port. Desservi plus haut par un pont de bateaux et, sans doute comme à l’époque moderne, par des bacs complémentaires indispensables lorsque l’ouvrage était emporté, ce secteur bruyant, à très forte activité, va regrouper des sites artificiels et concentrer une population cosmopolite. S’y côtoyaient sans doute les naviculaires marins, les bateliers fluviaux, les commerçants, les dockers, les porte-faix, ainsi que d’autres corporations professionnelles. On pense aux saccarii, mensores, caudicarii, tabularii et, plus bas dans l’échelle sociale, aux travailleurs dépendant en toute saison des arrivages par voie d’eau, quel qu’en soit le sens. En effet, lorsque la navigation hivernale était suspendue ou ralentie en mer, en particulier entre novembre et mars durant le mare clausum, le stockage des produits qui provenaient des Gaules et descendaient le fleuve jusqu’à Arles n’était pas interrompu pour autant. Seules les crues, suivies de dramatiques inondations, pouvaient mettre pendant quelques temps le port en sommeil.
Ces activités commerciale et portuaire intenses ont engendré un nouveau quartier, véritable « ville d’en face », au point qu’Ausonne qualifiera plus tard la cité de « duplex Arelas » (Ordo urbium nobilum) (fig. 2). Aux édifices fonctionnels, les horrea, ces vastes entrepôts permettant le stockage des principaux produits, devait s’ajouter une série non négligeable de bâtisses et de monuments publics et privés. Dans les années 60, les fouilles du cimetière de Trinquetaille dirigées par J.-M. Rouquette, celles de la Verrerie en 1983, de la rue Brossolette en 1997, puis les sondages systématiques opérés par J. Piton, J. Brémond, M. Heijmans et C. Sintès, ont levé le voile sur un immense quartier d’habitation qui fonctionne sans interruption de l’époque d’Auguste à la fin du IIIe siècle, puis après des destructions, jusqu’à la fin de l’Antiquité. Le secteur du cimetière dont les fouilles sont restées inédites renfermait sans doute un grand forum des corporations et un quartier artisanal de tout premier ordre. La vie associative des divers corps de métiers qui nous sont connus par les textes et l’épigraphie, les navicularii marinii, les utricularii, les fabri navales, les diffusores olearii, mais sans doute aussi les lenuncularii, qui passaient d’un bord à l’autre avec leurs bacs, ou les ouvriers spécialisés qui réglaient la hauteur du pont de bateaux en fonction de la montée des eaux et qui étaient chargés de son entretien, faisait de tous ces collèges et de ces scholae des lieux de culte, de sacrifices et de banquets. Sur ce point, l’épigraphie et les marques de propriété des céramiques et des amphores glanées dans le fleuve répondent à des utilisations diverses, même si la grande majorité d’entre elles est directement liée au commerce.
Si l’on examine le mobilier mis au jour en 2005 dans l’ensemble des dépotoirs portuaires, le recensement fait état de 130 amphores et fragments significatifs. Elles se répartissent entre le gisement A (zones 1, 2 et 3), le dépotoir contigu à l’épave Arles-Rhône 3, le gisement B situé en aval dans le virage et la zone 14, à hauteur du service de navigation (pont de Trinquetaille).
Dans le gisement A, les zones 1, 2 et 3, ont livré une cinquantaine de récipients. Elles présentent à peu près toutes les trois le même faciès où dominent les productions du Ier s. de n.è., principalement de Bétique. Les amphores gauloises G4 y sont rares et les amphores africaines accidentelles.
Légèrement plus en amont, un faciès similaire se dégage des recherches menées autour de l’épave Arles-Rhône 3 où le dépotoir couvre en partie la coque et scelle la chronologie du navire. Parmi les 66 amphores retirées, les récipients d’origine gauloise sont en nette augmentation, en particulier les G4.
Si, par ailleurs, le gisement B paraît très mélangé et a recueilli à toute époque les objets arrachés par les crues aux amoncellements de mobilier plus en amont, la zone 14, pour sa part, au centre-ville, révèle en surface des amphores plus tardives, du IVe s. ap. J.-C.

Objets en bronze

La découverte d’objets d’orfèvrerie gallo-romaine est fréquente dans les cours d’eau français et le Flumen Rhodanus dans ses méandres arlésiens ne fait pas exception à une règle maintes fois vérifiée dans la Seine et la Saône depuis le milieu du XIXe siècle (Bonnamour 2001). En 1862, deux casseroles en argent des IIe-IIIe s. de n.è. furent récupérées entre Arles et Tarascon. Elles faisaient écho au missorium tardif retiré en 1656 près d’Avignon. Les offrandes votives et les cachettes opérées à la hâte en bordure des fleuves et des rivières lors des périodes d’insécurité, ou le butin perdu par les pillards eux-mêmes au passage d’un gué, sont à l’origine de nombreuses découvertes faites par des dragues.
A Arles, en rive droite, par 7 m de fond, c’est un dépotoir portuaire enrichi entre Claude et les Flaviens qui rend chaque année, dans le cadre de fouilles méthodiques, de très belles pièces de vaisselle en métal. Issus d’un contexte chronologique précis, ces objets en excellent état ont sans doute été perdus. Ils ne présentent en effet aucune dédicace relative à un acte votif et leur dispersion dans le gisement élimine toute idée d’épave ou de caisse tombée à l’eau lors du déchargement d’un navire. On pense du coup à l’action des crues sur les habitations en bordure du fleuve, vidées de leur mobilier par une vague dévastatrice ou par la simple force du courant. Les sources médiévales et modernes insistent en effet sur leur brutalité et leur soudaineté (Stouff 1982 : 18). Des inondations fréquentes ravagent Arles entre le Ier s. av. et le Ier s. ap. J.-C., avec une périodicité des débordements majeurs en ville tous les 25 ans (Allinne, Bruneton 2006 : 75).
Dans ce contexte, on notera en 2005 la mise au jour d’une très belle amphore en bronze aux anses décorées d’animaux marins, qui fait suite à une coupelle en argent et à des olpai d’airain du milieu du Ier s. ap. J.-C. A cette période, l’arlésien Pompeius Paulinus, gouverneur de Germanie Inférieure et ami de Pline l’Ancien (H. N. 33, 143), ne voyageait jamais sans son service de table de près de 12000 livres d’argenterie. Une telle splendeur a dû marquer l’esprit de ses contemporains. Quoi qu’il en soit, ses concitoyens semblent avoir porté de l’intérêt aux vases toreutiques à boire et à verser et au service du banquet en général, éléments du statut social et signes évidents de romanisation. L’art des bronziers en Gaule deviendra une activité artisanale croissante au Ier s. ap. J.-C., qui sous-entend l’installation d’ateliers provinciaux imitant avec des particularités propres les formes grecques et italiques à la mode en Campanie, au moment de l’éruption vésuvienne. Mais ces objets circulaient déjà par mer depuis l’Italie et remontaient l’axe Rhône-Saône comme pourraient l’attester les épaves Fourmigue C à Golfe Juan et SM4 aux Saintes-Maries-de-la-Mer. La première, perdue autour de 70 av. J.-C., destinait peut-être son vin et ses précieux bronzes aux Eduens, alliés de Rome (Baudoin et al. 1994). La seconde, au Ier s. ap. J.-C., avec son chargement varié d’objets en bronze pour la vente ou la refonte, fut piégée par les bancs de sable à l’embouchure du fleuve.
Avec la vaisselle de métal, en 2005, d’autres objets proviennent du gisement A, notamment une petite applique à tête de bélier, une bague et une chaînette en or. De l’amont, on recense un fragment de statue en bronze et une balance ; du seuil de Terrin, au sud, un casque romain.

Amphore en bronze décorée

Piégée comme des centaines d’objets provenant du gisement A, une très belle amphore en bronze, à deux anses (44,5 cm de haut), fut découverte lors du dégagement de l’épave Arles-Rhône 3. Examiné par Isabelle Dahy dans le cadre d’un mémoire de Master 2, le vase en alliage cuivreux a été coulé au niveau des anses et martelé à partir d’une ébauche coulée en trois éléments soudés ensemble. La panse ovoïde et piriforme accuse une courbe douce vers le col évasé, à lèvre en double bourrelet. Sur la partie inférieure de la panse se distingue une réparation à la rustine de métal soudée. Soudées également à la panse, les anses en volute figurent un animal carnassier, mi-chien, mi-poisson. Spécialiste de la vaisselle en bronze, Suzanne Tassinari, qui a vu l’objet, évoque un « chien de mer » dérivé des modèles campaniens inédits. Nous sommes sans doute en présence de l’un de ces pescicani de la famille des requins, dont le nom français dérive aussi du mot chien et que Pline appelle caniculis. Selon lui, redoutés des pêcheurs d’éponges et de perles, ces caniculae s’attaquaient à l’aine, aux talons et à toutes les parties blanches du corps de leurs malheureuses victimes. La nageoire caudale de l’animal forme l’accroche supérieure de l’anse ; son corps lisse et allongé par lequel on se saisit du vase est incisé d’écailles tandis que la base de l’anse donne naissance au protomé de l’animal marin. Les yeux exorbités, incrustés d’argent (où manque une pierre précieuse), les oreilles rejetées en arrière, les babines retroussées, les narines dilatées et la gueule entrouverte donnent au canidé un air menaçant. Réalisées avec précision mais non sans une certaine rigidité, les pattes munies d’ailerons, qui sur d’autres modèles s’assimilent à des nageoires, se terminent ici par des doigts enflés aux griffes épaisses. De ces griffes s’échappent deux poissons (dauphins ?) affrontés symétriquement. Bouche ouverte et œil incrusté de métal, ils forment une volute décorative sous le museau du monstre anguipède et se disputent avec lui les tentacules d’un poulpe ou d’un polype incisé d’ondes (hydre ou méduse).
Dans la symbolique du banquet où intervient ce vase de prestige, même s’il n’est pas exclu qu’il ait pu servir à la toilette et au bain, le chien, dont certains rhytons empruntent la forme, fait partie des compagnons de Dionysos, le dauphin plus rarement. Dans ce registre, la panthère marine d’une peinture d’Herculanum boit la liqueur de Bacchus versée par une nymphe. Mais d’autres monstres marins kétomorphes décorent la vaisselle en argent.
L’amphore arlésienne s’assimile à des séries de récipients souvent plus petits, du Ier s. ap. J.-C., retrouvés en Gaule dans la vallée de la Saône, dans l’Aube et à Marseille. On peut rattacher ce récipient aux exemplaires pompéiens A 3220 de la classification de Suzane Tassanari, dont les variations morphologiques sont nombreuses. Notre vase reprend et adapte à sa manière, avec une grande finesse d’exécution mais non sans une certaine raideur des formes, le motif connu sur amphore campanienne du chien de mer dévorant un poulpe. Le céphalopode ici très stylisé a pu être identifié par comparaison avec d’autres vases inédits (objets pompéiens n° 173, 301, 69, 707).
Au demeurant, si les exemplaires découverts en Campanie offrent un bon repère chronologique, ils ne règlent pas le problème de l’origine et de la durée de la production des amphores au « chien de mer ». Celle d’Arles présente quelques particularités de fabrication et soulève des questions au niveau stylistique. Elle a peut-être été produite hors de la péninsule même si les prototypes dérivent de manufacture d’Italie du sud.


Objets métalliques divers

Avec un fléau de balance romaine en bronze, à crochets, qu’utilisaient fréquemment dans les ports les sacomarii ou plus simplement les commerçants (fig. 9), il faut signaler la découverte face au service de navigation d’un petit fragment de statue monumentale, en bronze, conservé sur 50 cm de haut et 37 cm de large (fig. 10). Il s’agit de l’épaule d’un personnage un peu plus grand que nature si on en juge par la largeur du bras (14 cm). On reconnaît les lourdes pièces de tissu de la toge d’époque impériale qui drapent l’épaule gauche et retombent en plis sur la poitrine pour former l’umbo et le baudrier. Ce fragment de bronze conserve encore quelques traces de dorures et présente des éléments de réparation et de fixation. Il appartient peut-être à l’effigie d’un prince qui reste difficile à identifier sans autre détail ni contexte chronologique précis, excepté quelques cols d’amphores tardives (IIIe et IVe s. de n.è.). On compte une amphore Almagro 51c, une amphore africaine de moyenne dimension et un spatheion marqué VIC (tria nomina ou VICTORI), (n° 1192), (fig. 11). On comparera l’épaisseur et la massivité des plis sur notre pièce avec la statue en bronze de Periate (El Togado), conservée au Musée de Grenade et attribuée sans certitude à Claude II le Gothique. Au voisinage de ces objets, par 8 à 9 m de fond, la pièce d’assemblage en plomb d’une ancre antique rappelle que les navires s’amarraient également dans ce secteur.


Poursuite des travaux sur l’épave Arles-Rhône 3

En 2005, les travaux menés sur l’épave Arles-Rhône 3 par Luc Long et son équipe (DRASSM-2ASM) se sont poursuivis sur l’extrémité aval de la coque, qui était afleurante. L’étude du bois n’a demandé dans ce secteur qu’un simple nettoyage tandis que l’extrémité opposée s’enfonçait très profondément dans le sédiment. Dégagée sur une dizaine de mètres carrés, l’embarcation reposait suivant la pente naturelle de la rive, par 35° de gîte. Compte tenu de la turbidité de l’eau, l’un des objectifs principaux consistait à préparer un prélèvement de 60 x 14  cm, entre les varangues 100 et 102, afin d’étudier les détails de construction (fig. 16 a-b). La largeur du navire à ce niveau était de 2,13 m, sa longueur est de l’ordre d’une vingtaine de mètres.
Construite à fond plat, sans quille, son intérêt architectural réside en plusieurs points  :
– des bordages de fond, en chêne caducifolié, de fort échantillonnage, assemblés à franc-bord, constituant la sole de l'embarcation ;
– des membrure (varangue plate) en chêne de forte section (largeur comprise entre 24 et 28 cm), avec trous d’anguiller, fixées à la sole par de nombreux clous de fer dont la pointe est rabattue sur la face externe des virures ;
– un bordé monoxyle de transition, en chêne sculpté, faisant office de bouchain, surmonté à l’intérieur d’un tasseau longitudinal ;
– une longue pièce de flanc monoxyle dégagée sur 9 m de long et 20 cm d’épaisseur, taillée dans un demi tronc de sapin, formant la partie inférieure de la muraille et sculptée à la base inférieure pour laisser la place au joint d’étanchéité ;
– des courbes rares et espacées de 2,84 m dans la partie dégagée (9 m), de 14 cm de large pour 11 cm d’épaisseur ;
– des pièces d’aménagement interne : double plancher, traverses à feuillures et contre-cloisons, en sapin et en épicéa. L’une de ces contre-cloisons, faite de trois planches verticales posées contre les courbes, se termine en quart-de-rond avec une ferrure de protection en U ;
– un système d’étanchéité par lutage utilisant une toile végétale imprégnée de résine ou de poix (analyses en cours), amalgamée à un cordage dans la liaison bouchain-flanc.
Cette embarcation de type « monoxyle assemblé » relève des principes de construction « sur sole » des chalands romano-celtiques à fond plat d'Europe occidentale. Sa forme, même si nous n’en avons encore qu’une vision partielle, paraît octogonale et pourrait se ranger dans le type 3 de la typologie des bateaux polygonaux de Béat Arnold.
Au demeurant, quelques spécificités de structure, d'aménagement et d'étanchéité, qui pourraient découler d'influences régionales voire méditerranéennes, en font toute son originalité architecturale. Ainsi, par exemple, les cloisons internes et les doubles planchers qui enveloppent et compartimentent l’espace sont des aménagements spécifiques, inconnus sur les sept autres épaves de cette famille. Il peut donc s’agir d’un chaland utilisé dans le cadre d'un commerce local ou d’une barge de servitude affectée à l'endiguement et à la consolidation des berges. L'épave Arles-Rhône 3, en effet, est chargée de pierres en calcaire blanc, d’un module irrégulier, qui sont vraisemblablement originaires des carrières de Beaucaire (Ugernum) ou de Saint Gabriel (Ernaginum). Le transport régulier de pierres de petit et moyen module, jetées en vrac dans les barques, imposait de cloisonner et de protéger l’intérieur des coques.